La ligne
Le travail sur la ligne est omniprésent dans ma création artistique.
Elle m’ inspire avec ses incroyables moyens d’exister
Délicate, pure et sensible
Elle m’inspire par son énergie, ses pulsions, ses arrêts
Sa puissance, son souffle, son contraste.
J’aime la poser sur un bon papier, sur une feuille épaisse
La faire vivre dans – sur cette matière, simple, souvent voluptueuse, fragile
Aussi faire le choix de son côté lisse ou granuleux
Suivant l’outil que je choisis
Lui donner à vibrer dans ses ombres et lumières
La perdre quelques fois puis la faire revenir toute douce ou au contraire très forte
La faire survoler, effleurer la surface du support
Puis d’un coup sa personnalité pointe
Quelque chose d’intéressant se passe
J’adore la gestuelle qui l’accompagne
C’est alors moi, qui peux avoir le souffle coupé pour la faire bien
J’aime travailler vite un croquis, être à fond dans l’instant
On me dit que j’ai des allures d’arts martiaux
Devant mon chevalet, un pas en avant, un pas en arrière
Le pinceau dans la main et le bol d’encre dans l’autre, devant mon modèle
J’aime cette idée de combat et de repos
Souvent, la ligne est précise, claire
Souvent elle éclate de mille façons
Pique des colères et se calme
La ligne est telle la mer
La mer est faite de lignes
La ligne est partout en tout
Je regarde au lointain, je vois une ligne droite, ma digue
Des pêcheurs à la ligne la font vivre
Des calamars jettent leur encre et laissent l’empreinte telle une calligraphie au sol
Longitude, latitude, des bâteaux prennent le large
La ligne d’horizon droit devant, le capitaine à la barre
Alors que sur terre, les voitures côtoient les lignes de nos routes
Blanches et jaunes, continues, discontinues
La ligne se courbe, je prends le virage
L’avion aussi, trace
Alors que le train file droit sur ces rails
Désinvolte, je pourrais être en marge
Mais j’ai la ligne
Ma ligne de conduite
Évolution en trois dimensions
Ligne de crête… montagne
Celle qui culmine dans l’espace, et qui nous donne des hauteurs
Les lignes se créent avec le vide et se composent avec le plein
Alors les lumières valsent, dansent
Et les ombres voisines deviennent noires et denses
Dans les différentes profondeurs de plans, et de perspectives
… savoir s’arrêter lorsqu’il le faut …
… donner à imaginer une ligne…
LIGNE CLAIRE
Une ligne juste soit-elle, sans fioriture aucune
Dénuée de matière
Observer, avoir la certitude du geste
Savoir où la poser
Une ligne claire comme un fil de fer
Certaine de ses pouvoirs pour l’œil
Elle se pointe avec l’outil
Elle a la ligne, souvent fine
Efficace à chaque fois
Elle me conquit
Elle se suffit
Elle impose par son élégance
LIGNE MATIERE
L’expression, le caractère, la personnalité dans toute sa force
Elle donne à se faire voir, à se faire puissante
Je ne peux pas dire qu’elle soit des plus discrètes
Elle est souvent rythmée par des accentuations
Tout en pouvoir et en muscles
Elle se “moove”, docilement, ou se fait sauvage
Se créant aussi dans des textures brumeuses
N’aimant ni les limites, ni le cadre droit
Car elle peut prendre les commandes
Et ainsi, se laisser s’étaler sur un support
Pour devenir (tâche) encre libre et se mettre en rythme
LIGNE3D
La ligne en trois dimensions
Serait la ligne que je ne dessine pas
Qui se crée toute seule dans sa matière
Qui se monte petit à petit
Terre, papier ?
Les lignes s’appuient, se superposent, se mêlent
Mon plus bel exemple
Serait une boule de papier froissé
Grâce aux vides et au plein
Les lignes en relief et en profondeur
Se révélent
Le modèle vivant
Les personnes que nous sommes, m’intriguent.
Je dessine des corps nus et des visages pour comprendre ce qui reste en dehors de l’apparence physique.
Je dessine la liberté d’être soi et cherche une expression, une direction vers la pensée.
Lorsqu’un modèle pose, l’agitation cesse, l’homme s’abandonne un peu, et se ralentit pour entamer un état.
L’échange entre l’artiste et le modèle devient précieux, il offre la certitude de la vie, et une fragilité.
C’est alors un corps hors mouvement, qui me donne le temps de l’observer.
La complexité du corps n’existe plus. Le regard de l’autre, le mien se pose.
Mon regard se dédouble et m’enseigne alors les lignes, les courbes, les appuis, les plans, les vides et les pleins.
Je vis l’anatomie, parcours un détail, voit un ensemble de lignes et essaye de quitter l’apparence pour trouver un regard intérieur.
Faire poser la question de « A quoi pense t’ il ? » «A quoi pense t’ elle ? »